Pourquoi certaines personnes pratiquent de l’activité physique et d’autres non ?

Pour répondre à cette question, et en guise de premier article pour ce blog, je vous propose une synthèse d’un article publié dans la revue The Lancet en 2012 et cité plus de 2000 fois à ce jour (accessible ici). 

L’article est une revue systématique de revue systématique (i.e., une revue systématique consistant à répertorier des articles scientifiques sur une thématiques précise, et ce de façon exhaustive). 

L’objectif des auteurs était d’identifier l’ensemble des facteurs (dits aussi déterminants) associés au niveau d’activité physique, au sens large, incluant les transports actifs, les activités de loisirs, et les activités réalisées dans le cadre d’une activité professionnelle. 

Un modèle dit écologique de l’activité physique

Dans cet article, les auteurs appréhendent l’activité physique comme un comportement véritablement multifactoriel. Pour ce faire, ils s’appuient sur un modèle dit «écologique» de l’activité physique qui est résumé dans la figure ci-dessous. 

Figure représentant le modèle écologique de l’activité physique et les différents déterminants pouvant influencer ce comportement.

Ce modèle répertorie 5 catégories de déterminants pouvant potentiellement être associés ou impacter l’activité physique. On y retrouve :  

  • Des déterminants individuels, pouvant être psychologiques (la motivation, le stress), ou physiologiques/biologiques (la condition physique, l’état de santé), 
  • Des déterminants interpersonnels, incluant le support social et les comportements des proches envers l’activité physique (la famille, les amis), ou encore les normes sociales et pratiques culturelles au sens large. On sait par exemple que certains stéréotypes véhiculés dans la société (e.g., « le rugby ce n’est pas pour les filles ») peuvent influencer les pratiques d’activité physique,
  • Des déterminants environnementaux, pouvant être (i) « sociaux et économiques » (l’insécurité dans son voisinage), (ii) liés au cadre-bâti (le caractère esthétique d’une ville, la présence de parcs et d’espaces verts), et (iii) naturels (la météo, la pollution),
  • Des déterminants liés aux politiques de promotion de l’activité physique. En France, par exemple, un texte portant sur la prescription d’activité physique pour les personnes souffrant d’affections de longue durée vient de faire son apparition dans le code de la santé, 
  • Des déterminants plus globaux, comme l’urbanisation ou le développement économique à l’échelle d’un pays par exemple.

Sur la base de ce modèle les auteurs synthétisaient la littérature pour examiner dans quelle mesure ces différents déterminants étaient associés au niveau d’activité physique des individus. 

Résultats de l’étude 

Les revues incluses dans l’article impliquaient des échantillons d’enfants (5-13 ans), d’adolescents (13-18 ans) et d’adultes, issus en majorité de pays industrialisés et dans une moindre mesure de pays en voie de développement. La majorité des études utilisait un questionnaire en guise de mesure de l’activité physique ; l’activité physique pratiquée lors des loisirs était la variable d’intérêt la plus souvent rapportée.

La majorité des études était transversales (i.e., l’activité physique et les facteurs présumés associés au comportement étaient mesurés au même moment) ; ce qui limite l’interprétation des résultats en termes de direction (i.e., la variable X est associée à la variable Y dans le temps) ou de causalité (i.e., modifier X impacte Y en retour).

Au niveau individuel et interindividuel, une meilleure santé, une motivation envers l’activité physique plus importante et une pratique plus importante d’activité physique dans le passé étaient favorablement associées au niveau d’activité physique. Concernant les adultes, les hommes rapportaient des niveaux d’activité physique plus important que les femmes. Pour les adolescents, un support social de la famille plus important pour l’activité physique était associé à un volume supérieur d’activité physique. 

Au niveau environnemental, la proximité avec des endroits propices à la pratique d’activité physique, davantage de transports en commun et une meilleure esthétique de l’environnement urbain étaient positivement associés au niveau d’activité physique pour les enfants et les adolescents, comme pour les adultes. 

Globalement, hormis ces quelques variables, peu de déterminants étaient associés de façon robuste à l’activité physique. Ceci indique que d’autres recherches sont nécessaires dans ce domaine (l’article datant de 2012, un grand nombre d’études publiées depuis pourrait venir compléter ces résultats). Les interactions entre plusieurs déterminants (e.g., la façon dont la motivation envers l’activité physique interagit avec le taux de précipitation) n’étaient pas non plus évoquées. 

On peut retenir de cet article que l’activité physique est un comportement complexe, dépendant potentiellement d’une multitude de facteurs. Ceci fait de l’activité physique un comportement difficile à promouvoir, en comparaison à des comportements de santé considérés comme « plus simples », comme se laver les dents ou s’hydrater correctement. 

Implications pour la promotion de l’activité physique

Les auteurs de l’article concluent qu’une promotion efficace de l’activité physique devrait potentiellement prendre en compte l’ensemble de ces déterminants. Ainsi les interventions pourraient à la fois :

  • Cibler directement l’individu ou son environnement social proche (i.e., programme d’activité physique, entretien motivationnel),
  • Impacter son environnement (i.e., création de pistes cyclables),
  • Modifier la juridiction relative à l’activité physique (i.e., rembourser des séances d’activité physique).

Il est important ici de distinguer les déterminants modifiables dans le cadre d’une intervention, des facteurs non modifiables (ou difficilement modifiables). Par exemple, favoriser la motivation d’une personne à être active physiquement est réalisable dans le cadre d’une intervention ; en revanche, modifier le taux de précipitation dans une ville semble plus complexe. De même, à moins que vous embrassiez une carrière politique, impacter les politiques publiques en matière d’activité physique est en général un processus long et difficile. 

Une critique du modèle écologique 

La critique récurrente à l’égard de ce type de modèle multifactoriel est le manque de précision dans la description des différents déterminants et des mécanismes qui sous-tendent l’association entre ces variables et le comportement. Par exemple, parler d’urbanisation au sens large est peu représentatif de l’ensemble des sous-catégories de variables pouvant impacter l’activité physique (i.e., proximité avec des espaces verts, qualité des transports en commun, pollution atmosphérique…).

Même si j’adhère à cette critique, je trouve que ce modèle met bien en évidence la complexité des sciences comportementales et notamment la promotion de l’activité physique. Dans les prochains articles de blog j’aurai l’occasion de détailler avec une plus grande précision comment ces différents déterminants peuvent influencer l’activité physique.

Référence

Bauman, A. E., Reis, R. S., Sallis, J. F., Wells, J. C., Loos, R. J., & Martin, B. W. (2012). Correlates of physical activity: why are some people physically active and others not? The Lancet, 380(9838), 258–271.doi:10.1016/s0140-6736(12)60735-1

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